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Actualité volcanique, Articles de fond sur étude de volcan, tectonique, récits et photos de voyage

Les sept risques volcaniques - 1°partie.

L' IAVCEI - International Association of Volcanology and Chemistry of the Earth's Interior - a listé sept risques volcaniques majeurs; 

Quatre risques primaires : les coulées de lave, les retombées de cendres et blocs, les coulées pyroclastiques, les gaz.

Trois risques secondaires : les lahars ou coulées boueuses, les avalanches ou glissements de terrains et les tsunamis ou raz de marée.

 

Je vous propose de les passer en revue, en les illustrant d'évènements majeurs du passé, en commençant par :

 

                              1. Les coulées de lave.

 

Les écoulements de laves les plus communs se déplacent à environ 15 à 20Km/h mais la vitesse des coulées est comprise entre quelques mètres à l’heure et 40 Km/h, le record est détenu par le volcan Mauna Loa dont la coulée a atteint 80Km/h.

La vitesse d’une coulée de lave dépend de sa température et de sa composition qui diffèrent selon les volcans et leurs situations géographiques.

 

RockClassif-A.gifLa mobilité augmente de la rhyolite au basalte, caractérisés par des températures de sortie et des composition en oxydes de silice différentes.

 

Dans l'histoire, les coulées de lave ont causé beaucoup de pertes matérielles, entraînant toutefois peu de pertes humaines. Ainsi, elles ne représentant que 0,4 % des décès dûs aux éruptions volcaniques de 1600 à 1900 (ce qui représente un peu plus de 1 000 personnes), et 0,3 % au XXe siècle (285 personnes).

Les risques humains se traduisent par des accidents isolés, mais fréquents. Ils sont dus au passage au travers d'une coulée non totalement refroidie, ou par encerclement à cause de deux coulées qui se rejoignent; lors de la traversée d'une zone humide par le coulée, des explosions phréatiques peuvent se produire au contact de la lave et de l'eau; le danger augmente lorsque la lave est fluide et les coulées rapides, ou lors de la vidange brutale d'un lac de lave (cumul de volumes importants et d'une vitesse rapide) comme au Nyiragongo.

Les risques de pertes matérielles sont au contraire considérables pour 2 raisons :

- la fréquence des coulées et la difficulté de les stopper. Par exemple, les coulées de type aa de 1906 du Vésuve avançaient doucement à l'instar d'un buldozzer et rasaient tout sur leur passage (plusieurs villages ont été ainsi rayés de la carte); la même chose à l'Etna où Catane fut rasée en 1669 ;

- la grande densité des constructions dans les zones menacées : Etna, Vésuve.

 

Les coulées de lave sont une des rares menaces volcaniques contre lesquelles on peut lutter par la mise en oeuvre de moyens techniques : bombardement, détournement, arrosage. Quelques exemples historiques :

 

eldfell-volcano-41861-lw-E.Kristof.jpgEruption fissurale à l'Eldfell en 1973 - photo Emory Kristof/National Geographic


Sur l'île Islandaise d'Heimaey,en février-mars 1973, une coulée émise par un nouveau volcan, l'Eldfell, situé sur le hmap.gifflanc est de l'Helgafell, a menacé la ville et son port. Pour éviter de voir ce dernier condamné irrémédiablement, de l'eau de mer fut pompée puis projetée sur le front de la coulée pour stopper sa progression : le déversement qui a atteint jusqu'à 12.000 litres d'eau de mer par heure permet de faire descendre la température de la lave aux environs de 200°C; chaque heure, 20.000 m³ de roche en fusion sont refroidis. Dès leur refroidissement, des bulldozers nivellent et compactent les cendres pour former un barrage naturel. La réussite de l'opération est suivie, dès juillet, du retour des habitants, du nettoyage de la ville et de la reprise de la vie sur l'île. Carte de situation et de la progression des laves - doc. oregonstate.

 

vestm.jpg               Le volcan et les coulées menaçant de fermer le port - doc. archives 1973

 

A l'Etna, le détournement des coulées par des digues artificielles fût expérimenté pour première fois  en 1669 : pour protéger Catane, ses habitants ont réussi a dévier la coulée vers la ville voisine de Paterno dont les habitants mécontents menacèrent alors d'attaquer Catane. Finalement, le chenal artificiel fut rebouché...

Etna---1670-G.A.Borelli---publie-par-Spallanzani-1792.jpg    Catane et l'éruption de l'Etna 1670 - doc. G.A.Borelli, publié par Spallanzani.

 

En mai 1983, un détournement d'une coulée,  par dynamitage de la muraille de lave refroidie qui la canalisait, s'est avéré satisfaisant.

 

Coulées d'éruptions latérales 1991-1993                  Carte de l'éruption latérale de 1991-93 - doc. INGV

Situation de l'action en mai 1992, à gauche, et de la barrière, au centre droit - la coulée s'est arrêtée près de Zafferana.


Lors de l'éruption qui dura du 14 décembre 1991 au 30 mars 1993, diverses techniques de dissuasion furent expérimentées : barrages de pierres, terre et lave, destruction des tunnels d'alimentation aux explosifs ou en y jetant d'hélicoptère des blocs de béton et de lave.

Divers facteurs permirent d'en venir à bout :

- un faible ratio d'effusion

- l'éloignement de la fissure éruptive par rapport aux zones habitées (2.350-2200 m altitude p.r. à 750 m.)

- le ralentissement des émissions après l'emploi d'explosifs le 27 mai 1992 sur le tunnel d'alimentation

- la diversion initiale, créée à 7 km. du village a permis une accumulation des laves dans la Valle del Bove dans une zone inhabitée.

 

En 1977, au Nyiragongo, situé sur le rift ouest-africain, la vidange du lac de lave fut extrêmement rapide : 22 millions de m³ de lave pahoehoe se répandirent en direction de la ville de Goma, en seulement 1 heure, la vitesse des coulées atteignant 60-70 km/h. Le drainage du lac se fit par un système de fissures de flancs parallèles s'ouvrant simultanément au N. (Baruta) et au S. du volcan (Shaheru et Djoga)

 

erupt.-1977.png              Nyiragongo - Carte des coulées 1977 - doc. Krafft/Pottier in GVP

 

La suite du dossier dans une semaine ...

 

 Sources :

- Volcanologie De JM.Bardintzeff

- Guide des volcans d'Europe et des Canaries de M.Krafft et de Larouzière.

- Tazieff 1990

- The cradle of volcanology : the 1991-1993 Valle del Bove eruption - par Boris Behncke

- Volcanolive - Nyiragongo eruption 1977 -

- Global Volcanism Program - Nyiragongo Monthly report

 

 

                      2. Les retombées volcaniques.

 

Le produit des retombées volcaniques peuvent se qualifier génériquement parlant de "téphra" et "pyroclastite".

Ces termes proviennent tous deux du grec:

- téphra : signifiant cendres, et étendu aux matériaux fragmentés d'origine volcanique.

- pyroclaste : de Pur - feu et Klastos - brisé, soit littéralement : brisé, morcelé par le feu, les éruptions - fragments de feu.

 

Ces matériaux se classifient par leur granulométrie, leur composition, leur mode d'extraction.

Les cendres (ash) sont constituées de débris solides de taille inférieure à 2 mm. Les lapilli - du latin petite pierre - sont des débris de taille intermédiaire : entre 2 et 64 mm. Les termes blocs et bombes (blocs and bombs) caractérisent des débris de taille supérieure à 64 mm. , émis respectivement à l'état solide ou liquide à plastique.

 

F15_1-copie.gif

 

Les bombes sont classifiées selon leur forme, liée à la fluidité du magma à l'émission.

C'est ainsi qu'on parle de:

Bombe-en-fuseau---Capelinhos--Faial-Acores---M.Hollunder.jpg- bombes en fuseau, ou fusiformes, typique de magma basique peu fluide. Elles traduisent un paquet de lave plastique ayant subie une trajectoire hélicoïdale et retombées froides pour ne plus se déformer. Bombe en fuseau - volcan Capelinhos, Faial, Açores - photo M.Hollunder.

- bombes en ruban : typique de magma basique de moyenne fluidité

Bombe "en bouse de vache" - photo Mehdi/Forum du naturaliste.

bombe-en-bouse-de-vache---forum-naturaliste.jpg- bombe en bouse de vache, caractéristiques d'un magma très fluide émis à haute température par un souffle continu. Elles représentent des paquets liquides encore plastiques qui s'aplatissent en tombant à proximité du point d'émission; en se soudant entre elles, elles s'amoncellent pour former des cônes de scories (spatter cone) .

z-IMG_7498-copie.jpg- bombe "en croûte de pain" : elles montrent une forme polyédrique à surface profondément craquelées. Elles manifestent aussi une "trempe" mais à partir d'une lave visqueuse riches en gaz (laves acides) dont l'échappement crée la texture.

Bombe "en croûte de pain" - Crater of The Moon", USA - © Bernard Duyck

 

- bombe "en chou fleur", typique des éruptions phréato-magmatiques (maar), à surface mamelonnée et de forme sphéroïdale.


 

Selon le volume de débris émis, la fragmentation de ceux-ci et leur dispersion, l'étendue des zones touchées par les retombées sera plus ou moins importante.

La branche de la science qui s'occupe d'étudier et de quantifier ces phénomènes s'appelle "tephrochronologie".

Les isopaques ( ligne stratigraphique correspondant au lieu de tous les points d'épaisseur égale) définis après une éruption traduisent les faits et peuvent servir de scénario pour un évènement futur.

 

tephra_diagram.gif

 

Pinatubo_ash_plume_910612.jpg

                 Le panache de cendres du Pinatubo - doc. USAF 1991.

 

Les particules de taille et masse volumétrique grandes se retrouvent proches du point d'éruption; ces débris balistiques sont extrêmement dangereux aux abords d'un volcan : un exemple avec l'Arenal, au Costa-Rica, où on relève un taux de recouvrement des impacts de bombes de 130% à 4 km du cratère, lors de l'éruption de 1968.

Les particules moyenne, les lapilli, peuvent recouvrir de grandes étendues sous une épaisseur de plusieurs mètres.

Les cendres, formées de fines particules vacuolaires peuvent atteindre de grandes hauteurs au sein du panache éruptif avant d'être dispersées par les vents sur des centaines, voir des milliers de km². Le type et l'ampleur de l'éruption vont conditionner la hauteur du panache émis et sa dispersion; des cendres, ainsi émises jusque dans la stratosphère, peuvent faire plusieurs fois le tour de la planète et interférer avec le climat mondial.

 

ashfalls2.jpgExemples d'aires de retombées pour les éruptions du St Helens (1980), du Mazama (7.600 ans), du Yellowstone (665.000 ans) et de Long valley (760.000 ans) -Doc. USGS

 

Les périls dus aux chutes de cendres sont nombreux : obscurité, routes rendues dangereuses, risques de suffocation et/ou d'enfouissement, contamination des eaux et cultures, atteinte à la santé des hommes et animaux, et depuis l'ère moderne, , des systèmes mécaniques, électriques, de drainage et de climatisation, et d'énormes perturbations du trafic aérien.

 

cendres-Rabaul---USGS.jpgEnorme couche de cendres sur le toit déformé et en partie effondré de cette habitation après l'éruption dans la caldeira du Rabaul - le cône du Vulcan à gauche - doc. USGS.


Dans les pays pauvres, les toits en tôle et leur charpente ne supportent pas le poids supplémentaire des cendres : pour une couche sèche de cendres d'environ 10 cm d'épaisseur, la charge supplémentaire sur un bâtiment peut varier de 40 à 70 kg /m² , une couche humide pourrait atteindre 100-125 kg /m² . Un travail incessant de déblaiement est donc nécessaire, rendu dangereux en cas de pluies ou d'orage volcanique, et très pénible, car les cendres dégagées s'accumulent au pied des immeubles.

 

A-huge-ash-cloud-looms-ov-011.jpg        "La nuit en plein jour" - éruption de l'Eyjafjallajökull au printemps 2010.

 

Les dommages causés par l'inhalation de cendres fines et l'irritation oculaire se cumulent avec l'effet abrasif de la cendre laissée sur les fourrages destinés au bétail (usure prématurée image-78778-galleryV9-rbcude leurs dents, blessures des voies digestives et mort d'inanition) et nécessitent des mesures de protection (masque et lunettes) et de confinement.

Les pyroclastites très abrasives peuvent aggraver les problèmes respiratoires présents, dont l'asthme, et créer de la suffocation : une concentration de poussières de 100 gr./m³ est suffisante.

 

T.Kircher-AVO-microsc.-Univ.Alaska-Fairbanks.jpg

On comprend mieux le phénomène abrasif de la poussière volcanique en examinant celle-ci au microscope - doc. AVO / T.Kircher Univ. Alaska Fairbanks.

 

La pollution des eaux par les cendres et les minéraux qui les caractérisent - je pense ici au fluor contenu dans les cendres de la dernière éruption de l'Eyjafjallajökull - oblige à prendre des mesures drastiques de protection des réserves et de nettoyage après la fin de l'épisode éruptif.

 

Les poussières volcaniques sont aussi responsables de "pluies acides" et d'irritation cutanée.

 

En cas d'éruptions cataclysmiques, les cendres projetées dans la haute atmosphère, ainsi que les aérosols et les gaz, réagissent avec celle-ci pour créer des aérosols d'acide sulfurique, réfléchissant le rayonnement solaire... ce qui aboutit à un refroidissement climatique sur plusieurs années. (détails ultérieurement).

 

Sources :

- IVHHN - International volcanic Health Hazard Network

- Volcanic Hazards Program - USGS - photoglossary/ Tephra  

- Volcanis ash - effects and mitigation strategies : agriculture, health, buildings, communication and power supply - lien site USGS

- Volcanologie - de JM.Bardintzeff

- Volcans et Eruptions - de Maurice Krafft.


 

                    3. Les écoulements pyroclastiques :

 


 

05.02.10-ThB-4-jpg.jpg

Soufriere Hills / Montserrat - coulée pyroclastique dévalant jusqu'à la mer, suite à l'effondrement du dôme - avec l'aimable autorisation de Thorsten boeckel, le 05.02.2010 - un clic sur la photo vous mène à son site.

 

Les coulées pyroclastiques sont des émissions violentes d'un mélange de gaz magmatiques, de vapeur d'eau, de laves, de pyroclastites (cendres, blocs et débris) projetés latéralement sur les flancs du volcan sous l'effet de la détente des gaz. Ce mélange chaud, >500°C, dévale les pentes sur des distances importantes, et à grande vitesse, 200 à >500 km/h., au voisinage du sol avec un flux plutôt laminaire.

Ce phénomène fut décrit par Alfred Lacroix, utilisant pour se faire l'exemple de l'éruption de la Montagne Pelée, à la Martinique en 1902-1903 : " coulée à pyroclastites chaudes formée de deux parties: une partie basale dense, qui épouse le relief, et un nuage de cendres superficiel, qui masque la précédente ".

 

p-366-flow-section-crop----Fisher-1982.jpeg                       Coupe d'une coulée pyroclastique - doc. Fisher 1892.

 

Elles peuvent résulter de l'écroulement partiel ou total d'un dôme, ou de l'effondrement d'un panache volcanique émis lors d'éruption de type plinien ou peléen.

La zone exposée dépend du type d'éruption :

- l'effondrement d'une colonne plinienne alimente des coulées pyroclastiques qui concernent tous les flancs du volcan.

- l'effondrement d'un dôme donne des coulées pyroclastiques orientée dans une direction principale, du fait de l'orientation du phénomène explosif initial; l'énergie se trouve concentrée dans un angle faible, ce qui augmente son pouvoir destructeur.

La morphologie de l'édifice va conditionner les trajectoires : interviennent la présence d'un dôme, la pente, la dénivellation. La nuée ardente peut remonter aussi à contre-pente, selon sa ligne d'énergie.

 

Bardintzeff distingue 4 grands types de nuées ardentes, selon deux paramètres, granulométrique et morphologique :

- les nuées d'avalanches (distinctes des nuées ardentes sensu sticto) de type :

* Merapi, où le dôme s'écroule, plus ou moins pulvérisé par une explosion phréatique. ex : Mont Unzen au Japon, Merapi sur Java.

* Arenal (Costa-Rica) avec écroulement d'un dôme à blocs de lave, dont l'intérieur est encore liquide; avec l'éboulement, le magma neuf est libéré sous forme de microponces.

- les nuées ardentes sensu stricto en deux types également:

* Santiaguito (Guatémala), l'explosivité de l'éruption est due à la viscosité du magma et sa richesse en gaz.

* les types Péléen et St Vincent (Caraïbes) , déclenchés par un mélange de magmas et se différenciant selon la morphologie de l'édifice au moment de l'éruption, soit dirigée et associée à une aiguille de lave visqueuse, soit dispersée à partir d'un cratère ouvert.

 

actu-11-9769.JPG            Classification des nuées ardentes - in Volcanologie de JM.Bardintzeff.

 

En pratique, les choses se compliquent; les éruptions passent souvent d'un type à l'autre, comme au Vésuve en 79 de notre ère. Elles peuvent aussi se trouver dans un régime intermédiaire où les deux types d'écoulement coexistent.

 

Ces coulées pyroclastiques constituent un danger majeur; toute fuite s'avérant inutile, la prévision devient capitale !

Rappelez-vous la mort des époux Krafft tués par une nuée ardente qu'ils voulaient filmer à l'Unzen au Japon.

Les causes de décès apparaissent multiples : onde de choc, traumatismes majeurs dus aux bombes et blocs déplacés, effet thermique, asphyxie.

 

D'autres types éruptifs se caractérisent par une mise en place sous forme d'écoulement explosif dirigé : surge et blast.

Les surges ou déferlantes sont considérés comme étant d'un dynamisme éruptif intermédiaire entre retombées et coulées pyroclastiques. Il s'agit d'un écoulement très turbulent, lié souvent à l'effondrement d'une colonne éruptive, et responsable de dépôt recouvrant la topographie avec une épaisseur variable, s'accumulant dans les dépressions.

 

actu-11-9771.JPGSchéma comparatif des dépôts de matériaux volcaniques fragmentés dans les cas de retombées de cendres, coulées pyroclstiques/surges et lahars. - in Volcanism by H-U.Schimncke 


Les blasts sont générés par un glissement de terrain, du à une avalanche ou une coulée de débris, affectant tout le flanc d'un volcan sur plusieurs centaines de mètres d'épaisseur et allant parfois jusqu'à le décapiter. Le magma, en cours d'ascension, se retrouve soudain en subsurface et jaillit d'un coup; des nuées ardentes succèdent au blast initial ... l'exemple type est la phase initiale de l'éruption du St Helens en 1980.

 

Les exemples historiques :

En 79 de notre ère, l'éruption du Vésuve raye Pompeï et Herculanum de la carte.

L'éruption du Vésuve a eu deux phases distinctes; une première phase "plinienne", la colonne atteignant le 24.08.79 la hauteur de 20 km. et créant une pluie de ponces et poussières sur le sud du volcan, recouvrant Pompeï sous 2,5 m. de ponces (diamètre moyen 1 cm.)


dobran-simul-1996.jpeg

Simulation numérique des écoulements pyroclastiques résultant de l'effondrement colonne éruptive du Vésuve. Les couleurs indiquent la température et de concentration pyroclastique, avec indication rouge vif pour les hautes concentrations et bleu pour les faibles. - Flavio Dobran 1996


Une seconde phase, péléenne, est responsable des coulées pyroclastiques du 25.08; les dépôts révèlent que Pompeï fut atteinte d'abord par un surge pyroclastique, laissant un dépôt de 10-20 cm.. Puis s'en suit une coulée pyroclastique responsable d'un dépôt variant de 2 m. à 50 cm. suivant les endroits; peu après, un second surge laisse une couche de 10-20 cm. riche en calcaire et roches volcaniques denses. Le tout est recouvert d'une couche de 70 cm. de retombées de cendres et lapilli accrétionnés (petites boules faites de cendres cimentées par interaction entre la cendre chaude et l'humidité atmosphérique) - observations de Sigurdsson 1982 - et McDonald 1972.

 

vesuve-eruption-79-fig16.jpg           Moulage d'un corps enseveli à Pompeï suite à l'éruption du Vésuve en 79.

 

L'éruption de la Montagne Pelée en 1902 à La Martinique: l'éruption du 8 mai 1902 fut décrite par Alfred Lacroix; elle engendra une nuée ardente qui détruisit la bourgade de Saint Pierre faisant près de 28.000 victimes. D'après ses calculs, la nuée ardente se déplaça à 110 m./sec., les plus gros blocs suivant les vallées, alors que gaz et cendres brûlantes déferlaient sur la ville, n'épargnant que deux personnes. Les températures n'ont guère dépassé 350°C, les victimes retrouvées étant brûlées mais pas carbonisées.

 

8.jpgLa Martinique - Saint Pierre après l'éruption de la Montagne Pelée - doc. archives MHN.Paris

 

En 2010, l'éruption du Merapi a tué plus de 300 personnes, principalement à cause des fortes coulées pyroclastiques; celle-ci ont parcouru des distances énormes, 18 km. le 05.11.2010, à cause de la morphologie convexe des pentes du volcan, qui a permis une accélération de la coulée et un plus long parcours.

 

2010_merapi_16---29.10.10-indahnesia.jpg             Merapi - coulée pyroclastique du 29.10.2010 - photo indahnésia.com

 

27.10.10-Kinahrejo-Beawiharta-Rey-uters.jpgLes environs de Kinahrejo sont entièrement calcinés après le passage de la coulée pyroclastique; les sauveteurs parcourent un village fantôme - photo Beawiharta / Reuters 27.10.2010.

 

 

Sources:

- Volcanologie - de JM.Bardintzeff - éd.Dunod

- Guide des volcans - M.Rosi & al. - éd.Delachaux & Niestlé

- Volcanism - de H-U.Schmincke - éd.Springer

- L'éruption du Vésuve en 79 après JC - par Kaminski et Jaupart / IPGP .

- Phénomènes volcaniques à Pompeï - K.Martini / Virginia.edu


 

                                   4. les gaz volcaniques

 

  L’importance des gaz magmatiques dépasse de loin leur rôle dans les éruptions volcaniques, dont ils sont le "moteur ". L’atmosphère, l’hydrosphère et la biosphère, soit l’entièreté de la vie organique de notre planète, trouvent leur origine dans le dégazage des 4,6 milliards d’années passées.

 

Les volcans émettent tant avant, que pendant et après leurs éruptions de grandes quantités de gaz, répartis pour part en émissions au départ du cratère, pour une autre part par dégazage diffus par des fractures, sous forme de fumerolles, ou par émanation à partir du sol. Ces émissions « indirectes » sont difficilement quantifiables, mais estimées d’une importance similaire aux émanations directes.

                    

z---costa-Rica-069-copie.jpg

Nicaragua - émissions gazeuses directes du cratère du Masaya, bleutées signe de leur charge en dioxyde de soufre, ici sublimées par le contre-jour et la lumière de fin d'après-midi - © Bernard Duyck

z---IMG_6218-copie.jpgIles Eoliennes - Vulcano - émission "indirectes" sous forme de fumerolles sur les rives du cratère de La Fossa - © Bernard Duyck 


Composition chimique et caractéristiques des gaz volcaniques :

Les gaz volcaniques résultent de la combinaison moléculaire d’un petit nombre d’éléments majeurs avec des gaz rares et des composants métalliques ; on relève pour les éléments :  hydrogène, carbone, oxygène, soufre, fluor, chlore, azote.

                                          

actu-12-9838.JPG          Composition moyenne des gaz volcaniques  - doc. Guide des volcans / Rosi & al.


Les gaz sont ainsi constitués : principalement, entre 70 et 99%, d’eau - H2O, puis en quantités variables décroissantes, dioxyde de carbone - CO2, dioxyde de soufre - SO2, hydrogène sulfuré - H2S, monoxyde de carbone - CO, méthane - CH4, acide chlorhydrique - HCl, acide fluorhydrique - HF, hydrogène - H2, oxygène - O2, soufre - S2, azote - N2, sulfure de carbone - CS2, anhydride sulfureux - SO3, ammonium, bore, brome, halogénures, sels métalliques et terres rares.

Un ordres de grandeur : le Mérapi libère chaque jour par son cratère sommital 3.000 tonnes de CO2, 400 tonnes de SO2, 250 tonnes de HCl, 50 tonnes d’HF ; El Chichon a libéré 10 millions de tonnes de SO2 lors de l’éruption de 1982. L’Etna produit chaque jour environ 35.000 +/- 7.000 tonnes de CO2 par son panache sommital, valeur qui peut être doublée si on considère le dégazage permanent diffus par les flancs de l’édifice. (in Volcanologie de J-M.Bardintzeff)

   actu-12-9837.JPG   Etna * dégazage en CO2 et SO2 - le dégazage en SO2 est limité à l'actuel édifice volcanique, tandis que celui du CO2 concerne aussi les flancs du volcan et ses alentours. - doc. in Volcanism de H-U.Schmincke.                                    


Les flux émis par l’ensemble des volcans aériens du monde sont estimés à 34+/- 24 millions de tonnes de CO2/an en dégazage passif , et 31+/-22 millions de tonnes de CO2/an lors des éruptions (Williams 1992). Les quantités de SO2 libérées par an sont de 4 millions de tonnes, dont une partie (0,5-1 Mtonnes) atteint la stratosphère (sur base de données satellites et carottages sur les glaces du Groenland).

La température des gaz émis indique leur provenance : les gaz fusant à haute température ont un caractère magmatique ; les températures atteignent 900°C au Mérapi, 1.130°C à l’Erta Ale, à Vulcano, les fumerolles de La Fossa oscillent entre 100 et 675°C.

Les gaz à température plus basse ont une origine superficielle par recyclage. Ainsi le soufre est émis sous forme de SO2 à haute température et d’H2S à basse température.

 

Si l’on retrouve toujours ces mêmes gaz sur tous les volcans du monde, leurs proportions varient beaucoup en fonction du type d’éruption, de la composition du magma, de la température et du lieu d’émission …

 

Analyse des gaz volcaniques :

Cette analyse, outre les dangers inhérents à la prise d’échantillons, pose des problèmes techniques (température des gaz à la sortie, fragilité du matériel de prélèvement, risque de modification des phases gazeuses au moment du prélèvement …)

 

GasMageik_large.jpg               Prélèvements de gaz sur le terrain - doc. USGS


Les analyses chimiques des gaz peuvent servir au niveau prévisionnel ; elles constituent parfois la seule approche en cours de phase éruptive, avant l’émission par le volcan d’autres substances liquides ou solides. Des techniques récentes permettent de doser le panache tout en restant éloigné de l’évent.

 

MSH83_USGS_scientists_COSPEC_on_SugarBowl_10-21-83.jpgScéance de mesures COSPEC réalisée par une équipe du CVO/USGS à Sugar bowl dans le cratère du Mont St Helens. - doc. USGS

 

Le COSPEC – Correlation Spectrometer – permet de mesurer les taux de SO2 ; la technique est basée sur l’absorption de certaines longueurs d’onde dans l’ultra-violet par les gaz soufrés.

Cette technique peut être utilisée au sol, au départ d’un tripode ou d’une voiture, mais les mesures hautement qualitative sont obtenues par le Cospec embarqué à bord d’avion ou d’hélicoptère, qui peuvent idéalement se placer sous le panache, ou à angle droit par rapport à la direction de déplacement du panache volcanique, et mesurer la vitesse des vents au site de mesure SO2.

Le senseur OMI – Ozone Monitoring Instrument – embarqué à bord de satellites permet de mesurer durant la journée les taux de SO2, grâce à une observation dans l’ultraviolet avec une haute résolution spectrale et une bonne résolution spatiale.

 

L’analyse des taux de CO2 se fait grâce à l’analyseur LI-COR , paramétré sur l’infra-rouge et des mesures aériennes multiples au travers de la section entière du panache.

 

Un autre type de mesure, le FTIR – Fourier Transform InfraRed spectrometer system – échantillonne simultanément différents gaz du panache, grâce à des systèmes axiaux ouverts ou fermés.

 

La mesure du ratio d’émission de SO2 est utilisé pour connaître le volume de magma dégazant et celui de la recharge magmatique. Les rapports entre S/C – SO2/CO2 – S-Cl augmentent juste avant l’éruption, alors que le rapport He/CO2 décroît. Les distributions du carbone13 entre le CO2 et le méthane – CH4, et celui du soufre34 entre H2S et SO2 jouent quant à eux le rôle d’indicateurs de température.

Les mesures de dioxyde de soufre et de dioxyde de carbone sont rapportées en « tonnes par jour », bien que ces deux gaz soient mesurés par des méthodes différentes.

 

Autres traces laissées par les gaz volcaniques :

Les gaz laissent aussi des dépôts solides, appelés « sublimés », très variés en composition et aspect. Par exemple, à Vulcano, le soufre natif coexiste avec l’alun ( sulfate d’aluminium et potassium), l’halite, le gypse, le réalgar, la pyrite, le salmiac (NH4Cl).

 

z-IMG_6228-copie.jpgIles Eoliennes - cratère La Fossa de Vulcano - dépôts orangés de réalgar auprès d'évents fumerolliens - © Bernard Duyck


 Autour des sources chaudes, selon leur connotation calcaire ou siliceuse, de délicates dentelles de carbonate calcique ou de geyserite (silice amorphe) se déposent, témoins les formations du Yellowstone, du Dallol ou de North Island en Nouvelle-Zélande.

 

z---ethiopie-2007-483-copie.jpgEthiopie - Afar - Dallol : vasques d'acide ourlées de marjelles colorées par le soufre et les oxydes minéraux - © Bernard Duyck


Fumerolles, geysers et mofettes sont autant de témoins, chauds ou froids, succédant à l’activité volcanique proprement dite.

 

Effets négatifs des gaz volcaniques:

1. Effets sur l'environnement et le climat :

Pluies acides, VOG et Laze :

Les nuages consécutivement aux éruptions volcaniques contiennent des gouttelettes d'eau contenant des gaz volcaniques en solution. Ces gouttes peuvent tomber sur terre sous forme de "pluies acides".

Outre l'atteinte générée sur la végétation et la pollution des eaux, ces pluies acides corrodent les câbles, les voitures, les équipements agricoles, jusqu'aux systèmes de distribution d'eau potable.

 

782px-Volcanic_injection.svg.png

                  Les effets aériens d'une éruption volcanique - doc. USGS. 

Le VOG, par analogie au FOG, est un brouillard composé d'aérosols sulfatés (petites particules et micro-gouttes), d'acide sulfurique et autres sulfates.

 

Puuoo-21.06.10--HVOjpg.jpgHawaii - fort dégazage au cratère du Pu'u'O'o - photo HVO/USGS 21.06.2010


 Il est particulièrement remarqué sur Hawaii où les émanations volcaniques de SO2 des cratères et des zones de rift sont fortes; cette pollution volcanique, née de l'interaction entre le dioxyde de soufre, l'oxygène et l'eau sous l'effet de la lumière solaire, peut stagner sur l'île, si les vents ne la dispersent pas, et créer de nombreux inconvénients aux êtres vivants et à la nature.

 

delta-du-Puhi-o-Kalaikiwi-10.11.2010.jpgHawaii - Kilauea - nuages causés par les entrées de lave en mer dans le delta du Puhi-o-Kalaikiwi. - photo aérienne HVO/USGS.


 Autre phénomène du aux volcans, le production de nuages produits par la lave entrant dans l'océan; une réaction chimique entre la lave à haute température  et les eaux de l'océan est responsable de nuages de vapeur chargés en acide chlorhydrique appelés LAZE, de pH 1,5-2,5. Ces nuages acides sont irritants pour les voies respiratoires, les yeux, la peau et même les vêtements.

 

Lors d'éruptions très importantes, le dioxyde de soufre est éjecté jusque dans la stratosphère, à 20-50 km. d'altitude, où les vents sont forts et favorisent une circulation qui peut être planétaire. Etant donné les mouvements verticaux réduits, les gaz qui s'y trouvent propulsés peuvent y rester longtemps ... ils y forment avec l'humidité ambiante des aérosols d'acide sulfurique qui absorbent et réfléchissent la lumière solaire, engendrant une réduction de 5 à 10% de l'énergie reçue sur la surface terrestre, ce qui peut faire baisser la température de la troposphère de 0,1 à 1°C durant parfois 2 à 3 ans.

 

volcantemp.jpg

Baisses de température de la troposphère sur plusieurs années, causées par les éruptions d'El Chichon et du Pinatubo - doc. NOAA / intellicast.

 

2. Effets directs sur la santé humaine et animale :

Ces effets sont très variables, pouvant aller de l'irritation oculaire et cutanée, à des atteintes des voies respiratoires et dans les cas extrêmes jusqu'à la mort.

 

Toxicité de l'H2S : 

    - Seuil de toxicité (mg/m³) : 14 

  - Seuil de perception (mg/m³) : 0,000 66

C'est-à-dire que notre système olfactif est capable de détecter cette substance en très faible quantité. Ceci nous permet d'être alerté avant une absorption pouvant être toxique. Ceci n'est pas toujours le cas pour toutes les substances nocives.

Attention, à partir d'un certain seuil, facile à atteindre, le nerf olfactif est paralysé et la détection du gaz devient impossible.

L'exposition à des concentrations inférieures peut entraîner des irritations oculaires et de la gorge, une toux douloureuse et une perte de capacité respiratoire. L'exposition à de faibles concentrations mais sur le long terme a pour conséquences : perte d'appétit, fatigue, maux de tête, irritabilité, vertiges et pertes de mémoire. A doses massives, l'inhalation d'H2S peut être mortelle.

 

Toxicité du SO2 :

  L'inhalation de dioxyde de soufre provoque une irritation du nez et de la gorge, une constriction des bronchioles, des difficultés respiratoires, aggravées par l'effort physique, des douleurs cuisantes aux yeux et un larmoiement.

 

Toxicité du CO2 :

Celle-ci est bien connue, bien que le dioxyde de carbone soit rarement présent en abondance pour créer des problèmes.

Il représente un grand danger en cas d'émissions de grandes quantités dans un environnement favorable, où il déplace les quantités d'air disponibles, causant ainsi l'asphyxie des êtres vivants sans dommages pour la végétation.

Les cas qui illustrent le mieux cette toxicité sont le lac Nyos, au Cameroun, où en 1986, une nappe de dioxyde de carbone dévala les pentes du volcan tuant 1800 villageois et plusieurs milliers de têtes de bétail, et le Nyiragongo/lac Kivu. (voir article sur les dangers du lac Kivu).


Toxicité de l'acide fluorhydrique :

Ce composé est extrêmement toxique, car il réagit dans les organismes vivants, en complexant les ions calcium et magnésium, les rend inactifs et indisponible pour leur rôle biologique important .

Un exemple catastrophique d'émission massive d'acide fluorhydrique est lié à l'éruption du Laki en Islande, connue sous le nom de Skaftáreldar (« feux de la rivière Skaftá »): entre 1783 et 1784, 130 cratères émirent, lors d'éruptions fissurales, 15 milliards de m³ de lave basaltique fluide, d'HF et de SO2, avec des conséquences catastrophiques pour l'Islande et des répercussions sur la santé et la météorologie de toute l'Europe occidentale. Vingt et un % de la population islandaise mourut de famine, suite à la perte de 80% du cheptel de moutons et 50% du bétail à cause de fluorose dentaire ou osseuse dues aux 8 millions de tonnes de fluor rejetées.

Les énormes quantités de SO2 émises formèrent un brouillard sulfuré qui perturba le temps et les récoltes : durant les années suivantes, la sécheresse succéda aux étés et hivers rigoureux, dont des orages de grêle en 1788 ; les récoltes anémiées furent détruites accentuant la crise économique profonde la France, une des raisons de la Révolution de 1789.

 

800px-Laki_fissure_-2-.jpg                 Islande - la fissure éruptive du Laki - doc. wikipedia.

 

 

 

 

Sources :

- Volcanism - de H-U.Schmincke -éd.Springer

- Volcanologie - de J-M.Bardintzeff - éd.Dunod.

- Measuring volcanic gases : emission rates of sulphur dioxide anc carbone dioxide in volcanic plumes. - USGS

- Volcano and hydrologic monitoring techniques - USGS/CVO

- VOG, a volcanic hazard - HVO/USGS

 

                        

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