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Actualité volcanique, Articles de fond sur étude de volcan, tectonique, récits et photos de voyage

Macaronésie : les îles Canaries - 6 - risques d'effondrements ...

La géomorphologie de Ténérife et son histoire volcanique nous ont montré nombres d'effondrements: formation de caldeira, vallée de Güimar et d'Orotava.


La destruction partielle de l’Edifice Cañadas est le résultat d’un affaissement soudain d’une grande partie de l’ancien édifice volcanique, vers le nord de l’île. Lors de cet évènement, survenu il y a 170.000 ans, plus de 100 km3 de la zone des sommets de l’île disparurent de manière presque instantanée.
Cette théorie d’affaissement massif se confirme en 1995, lorsque des spécialistes découvrent dans les fonds marins du nord de Ténérife, des dépôts de matériaux sous-marins considérables, ou dépôts d’avalanche, provenant de l’Edifice Cañadas original. Ces premiers renseignements furent fournis par le groupe britannique "Watts et Masson". Par la suite, en 1997, le groupe espagnol "Teide Group" confirma cette interprétation des fonds marins du nord de l’île. Le groupe fit des recherches dans ceux du sud, et y trouva des dépôts similaires en relation avec la vallée de Güímar, dont l’origine est analogue à ceux liés à la vallée de La Orotava.

 

En se basant sur l'analyse des dépôts sédimentaires marins on a pu montrer que ces îles volcaniques avaient été le siège d'une douzaines d'effondrements de grande ampleur au cours des derniers millions d'années, le dernier datant de 560.000 ans.

 

Rincon-0241.jpg                        Carte des zones de dépôts d'avalanches (en brun)  sur l'archipel des Canaries.

                               in "Volcanism" de H-U.Schmincke .


Les phénomènes qui sont engendrés par les effondrements dans la mer de flancs de volcan sont parmi les plus spectaculaires que l'on puisse trouver au monde. Il faut dire que les cônes volcaniques peuvent se constituer de différentes façons. Certains sont formés par des écoulements successifs de lave très fluide, qui se solidifie. Les pentes sont alors assez douces et il n'y a pas a priori de risque d'effondrement. Il n'en est pas de même lorsque ces cônes de déjection se forment par rejet de cendres, qui retombent en pluie.

Les risques sont particulièrement importants dans l'océan Atlantique, étant donné le nombre de volcans en activité qui s'y trouvent.

 

La Palma est a examiner dans ce contexte.

Les formations volcaniques de l'île sont axées vaguement N-S. (carte ci-dessous)

- au nord , la caldeira de Taburiente a un diamètre de 7 km., est entourée de pics - les Roques -dont l'altitude dépasse 2400 m. sauf en direction du SO. où elle s'ouvre sur l'océan.

 

Caldera-de-Taburiente---La-PAlma--TR.jpg            Caldeira de Taburiente - La Palma - Photo Th.Reichaert.

 

- au sud, le Cumbre Vieja, a été le site d'éruptions historiques répertoriées depuis le 15° siècle.

- En 1971, une éruption a formé le cône de cendres du Teneguia à la pointe sud de l'île; d'autres éruptions, d'origine fissurales, qui ont produit des coulées de lave atteignant la côte SO., avaient pour origine le cône San Antonio.

 

LA-Palma---VolcanTeneguia---Wesisnay-wiki.jpg

                       Le cinder cone du Teneguia - La Palma sud - Wesisnay / Wiki.

 

 

Le Cumbre Vieja est une structure typique de flanc de volcan instable. Ce volcan culmine à 2000 mètres au dessus du niveau de la mer avec une pente de 15 à 20° en moyenne. Au cours des derniers milliers d'année la distribution des bouches du volcan a créé une structure composée de rifts successifs La dernière éruption de ce volcan date de 1949.

Lorsque les géologues examinèrent cette structure récemment formée, ils constatèrent la présence d'un début de glissement de terrain, avec un retrait atteignant 4 mètres, et ce sur une longueur de 4 kilomètres au voisinage de la partie sommitale du volcan, ce qui n'était pas de très bon augure. L'examen détaillé de cette structure a permis de mettre en évidence une configuration typique de détachement d'une masse très importante, le long d'un plan de glissement déjà constitué.

Bref, ça ne demande qu'à lâcher...


Le suivi de ce volcan de 1994 à 1998 n'a pas permis de mettre en évidence une quelconque activité de cette structure. Mais cela ne veut pas dire qu'il n'y ait pas risque. En effet, entre deux éruptions ou secousses sismiques on a pu constater (Day and al. 1995) des réarrangements internes et des modifications du réseau de fissuration liés à l'action de nappes d'eau souterraines sous pression, emprisonnées dans les flancs du volcan. Ainsi ça n'est pas parce que le volcan n'est pas soumis à des secousses sismique qu'il ne travaille pas, n'évolue pas. Ces réarrangement des sols sont connus des volcanologues et se produisent entre deux éruptions. Ce raisonnement amène les auteurs à conclure que la prochaine éruption du volcan pourrait servir de déclencheur à un glissement très important, débouchant sur une catastrophe. Tout est en place pour cela.

La question est alors d'évaluer la masse qui pourrait être impliquée dans un tels glissement. La largeur de portion émergée de la plaque atteint 15 kilomètres (...). Des relevés effectués au sonar, sur les parties immergées ont permis de mettre en évidence des traces de glissements de plaques antérieurs. L'étude du terrain montre que le glissement pourrait se produire sur une longueur de 10 à 12 km dans la partie du volcan qui est immergée. Il est difficile de situer la profondeur du plan de glissement, ce qui aurait été possible si on avait effectué des enregistrements sismographiques lors de l'éruption de 1949.


tsuCanaryLaPalmaVolErupts.gif

                        Carte topographique de La Palma - situation du Cumbre Vieja au sud de l'île,

                                                     et dates des éruptions historiques.


 

Cumbre-Vieja---La-Palma---Moss---McGuire-GVP.pngSketch map of the Cumbre Vieja rift volcano showing the distribution of benchmarks, vents, and faults associated with the July 1949 eruption at La Palma. Courtesy of J.L. Moss and W.J. McGuire. - Global Volcanism Program


Le dernier effondrement qui s'est produit dans ce chapelet d'îles se réfère à la formation Cumbre Nueva et remonte à 566.000 ans. Ses traces sont parfaitement visibles. L'étude de la structure du volcan Cumbre Vieja indique que les masses impliquées dans un futur glissement représenteraient un volume de 150 à 500 kilomètres cubes. Dans cette hypothèse maximale la plaque ferait 25 km de long, 15 de large et 1400 mètres d'épaisseur. Cette masse mettrait dix minutes à s'étaler en produisant un cône de déjection s'étendant jusqu'à 60 kilomètres en mer en constituant un dépôt sur 3500 kilomètres carrés (...). . La profondeur de l'océan est alors de 4000 mètres. Il faut imaginer ce glissement de terrain comme ce qui se produit lors des nuées ardentes ou des avalanches. Le mouvement serait relativement rapide car la masse glisserait sur un lit de boue, réduisant la friction.


Les auteurs ont ensuite calculé le développement du tsunami qui en résulterait. Deux minutes après la rupture se formerait un dome liquide dont la hauteur atteindrait 900 mètres ( le volcan culmine à 2000 mètres au dessus du niveau de la mer ). Au bout de 50 kilomètres de course la hauteur de la vague atteindrait encore 500 mètres. A 250 km de distance du point zéro sa hauteur serait encore de plusieurs centaines de mètres. Bien évidemment, de telles vagues auraient créé des dégâts considérables sur les îles voisines. Quand la vague atteindrait la côte africaine sa hauteur se situerait entre 50 et 100 m. Le phénomène (voir cartes) est non isotrope et se developperait plus activement vers l'ouest.

 

Canaries2.gifCanaries3                 Simulation du tsunami possible consécutif à un effondrement massif du Cumbre Viejo .

                        Document St.Ward & S.Day - 2001 - réf. de l'article dans les sources.

                Sur chaque vignette, le délai en heures et les hauteurs de vagues selon la simulation.


Au bout de trois heures le tsunami atteint les côtes américaines et s'étend alors sur 180°. Au nord est, l'Espagne et l'Angleterre doivent quand même faire face à des vagues atteignant " seulement" 5 à 7 mètres. Il faut compter 10 mètres pour les vagues atteignant l'Amérique du Nord.


A titre de conclusion, Simon Day, universitaire britannique, co-auteur de l'article a affirmé au London Daily Express : " Toute la côte est américaine serait submergée par une vague haute de 200 pieds, balayant tout sur son passage sur plus de 20 km à l'intérieur des terres. La ville de Boston serait frappée la première, suivie par New York puis par Miami, les Caraïbes et le Brésil. Des millions de personnes pourraient être tuées. Il ne s'agit pas de savoir si le volcan va s'écrouler, mais quand il va s'écrouler ».

Tout cela défie l'imagination et nous montre à quel point nous restons minuscules par rapport aux moindres soubresauts de la Nature. Etant donné le délai de propagation ( 9 heures ) et le fait que le phénomène serait alors immédiatement signalé de très nombreuses personnes pourraient être évacuées. Encore faudrait-il qu'elles puissent trouver refuge sur des reliefs dépassant les vingt cinq mètre de haut. Je crois qu'on imagine mal quels pourraient être les dégats sur les régions côtières, si par chance on arrivait à minimiser les pertes en vies humaines. Les reliefs de la Floride étant peu accusés on peut dire qu'après le passage d'un tel tsunami le pays présenterait un aspect semblable au sud de Sumatra, le lendemain du 26 décembre.

(traduction partielle de l'article en référence).


Il ne faut pas tomber dans le catastrophisme !

Les inquiétudes proviennent de la modélisation du système... ces modèles sont critiqués par d'autres scientifiques : la probabilité de tels tsunamis n'est pas certaine, et les dimensions de l'atlantique laissent supposer une dissipation de l'énergie du tsunami lors du trajet.

Ces hypothèses se basent de plus sur une éruption qui provoquerait un collapsus brusque et total du volcan ... rien ne dit que toutes ces conditions seront réunies et que c'est ce scénario qui se produira.



Sources :

- "Cumbre Vieja volcano - Potential collapse and tsunami, La Palma, Canary islands " par Steven N.Ward - Institut de géophysique de la planète, Université de Californie & Simon Day, département de géologie - University College, London. - 2001

- "Volcano collapse generated megatsunamis : fact or fiction ?" par

Bill Mc Guire, S.Day, C.Kilburn & St.Ward

- "Evaluation of the threat of mega tsunami generation from postulated massive slope failures of island volcanoes on La Palma, and on the island of Hawaii " par G.Pararas- Carayannis - 2002 - lien

- "Volcanism" de H-U.Schmincke

- Global Volcanism Program - La Palma


 


 

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