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Par Bernard Duyck
Lord William Douglas Hamilton (1730-1803) fut ambassadeur du roi d’Angleterre à la cour de Naples de 1764 à 1800.
Diplomate, musicien, archéologue, antiquaire, il fut aussi un volcanologue passionné du Vésuve. Il le gravit une soixantaine de fois, même en pleine éruption et au péril de sa vie et de celle de son guide Bartolomeo Pumo, "le cyclope du Volcan". Il relata avec force notes de terrain et croquis l'activité du volcan, interviewa les fermiers locaux et les personnes qui grimpaient le volcan, collecta des roches pour les envoyer en Angleterre.
Dans sa correspondance avec la Royal Society de Londres et dans un livre qui fera date : " Campi Phlegraei, Observations on the volcanoes of the two Sicilies ", illustré de gravures de son artiste attitré Pietro Fabris, il décrit les éruptions du Vésuve de 1776 à 1794, l’évolution de son cratère, mais aussi les Champs Phlégréens, le sommet de l’Etna et les îles Eoliennes.
Pietro Fabris, L'éruption du Vésuve en 1760
William Hamilton, Campi Phlegraei
ou Observations sur les volcans des Deux Siciles,
Naples, 1776-1779, planche XII.
A Pompéï, il assiste aux fouilles et à l’exhumation de victimes du volcan … et remarque qu’en fonction de la répartition de taille et de poids des ponces, on peut retrouver l’endroit dont elles ont été émises. Il annonce ainsi, le premier, que le volcan qui a anéanti Herculanum et Pompéï en 79 était, non le Vésuve proprement dit, mais la montagne qui l’enserre au nord, le Monte Somma.
Pietro Fabris, Découverte du temple d'Isis, à Pompéi
William Hamilton, Campi Phlegraei ou Observations
sur les volcans des Deux Siciles,
Naples, 1776-1779, planche XXXXI
On lui doit de nombreuses observations, qui nous paraissent aujourd’hui évidentes :
- le foyer des volcans n’est pas superficiel, mais profond
- il distingue deux sortes d’épanchements laviques : "ceux qui ont l’aspect de câbles pétrifiés (les laves cordées) et ceux qui ressemblent à la Tamise en hiver,quand le fleuve emporte au dégel des plaques de neige et des glaçons " (les laves scoriacées)
- il note la présence de colonnades de basalte sur des carrières ouvertes dans les coulées durcies et en conclut que partout où on retrouve ces formations, il y a eu du volcanisme.
- observant les explosions du Vésuve, il affirme que les panaches de cendres en pin parasol sont dus au contact de la lave brûlante avec l’eau : première définition de l’hydromagmatisme.
- il pointe les dangers des poussières volcaniques saupoudrées sur les pâturages pour le bétail, et ceux des gaz des "mofettes" qui tuent par asphyxie, comme dans la grotte du Chien des Champs Phlégréens.
- il conseillera de nettoyer au fur et à mesure les cendres qui tombent sur les toits de Naples, pour éviter leur effondrement.
Pietro Fabris, Evolution du cratère du Vésuve en 1767
William Hamilton, Campi
Phlegraei ou Observations sur les volcans des Deux Siciles,
Naples, 1776-1779, planche II
Cette série de croquis montre avec précision la croissance d'un cône de cendres (cinder cone), résultant d'une éruption
strombolienne ayant eu lieu en 1767 (dessin n°1 : le 8/7 - n°2 : le 25/7 - n°3 : le 6/8 - n°4 : le 17/8 - n°5 : le 3/9 et n°6 : 18/10). Le dernier croquis fut pris la veille d'une grande éruption.
Hamilton avait noté :" je constate que cette petite montagne grandit... il n'y a pas de doute, l'ensemble du Vésuve a grandi de cette façon".
A gauche : Pietro Fabris, La grande éruption du Vésuve en 1779, le soir
William Hamilton, Campi Phlegraei ou Observations sur les volcans des Deux Siciles, Naples, 1776-1779, planche II du Supplément
A droite :Pietro Fabris, La grande éruption du Vésuve en 1779, le matin
William Hamilton, Campi Phlegraei ou Observations sur les volcans des Deux Siciles, Naples,
1776-1779, planche III du Supplément
On dénote dans ces deux images à la fois la finesse du peintre et les talents d'observateur de Lord
Hamilton.
Le 8 août 1779 : durant une éruption plinienne, une fontaine de
lave atteignit 4000 m. au dessus du cratère; le nuage de cendres éruptives est parcouru d'éclairs et des tephras retombent sur le Monte Somma.
Le matin du 9 août 1779, l'éruption plinienne se poursuit. La colonne éruptive est principalement blanche, indiquant une diminution de la quantité de tephras. Des bombes sont encore éjectées et leur trajectoire parabolique notée ... elle terminent entre le cône et le Monte Somma, dans la Valle del Inferno.
Il réussira à prévoir deux éruptions du Vésuve quelques jours à l’avance, en se basant sur le nombre de séismes, qui va croissant avant un réveil du volcan, et sur l’assèchement des puits. Il annoncera même l’endroit de l’éruption : la lave va sortir à un endroit sur la flanc du cône où la neige ne tient pas en hiver.
Pietro Fabris, Le roi et la reine de Naples visitent les lieux
de l'éruption de 1771 accompagnés par sir William. (On remarque un peintre et son chevalet, en bas à gauche ... Pietro
Fabris)
William Hamilton,
Campi Phlegraei ou Observations sur les volcans des Deux Siciles,
Naples, 1776-1779, planche XXXVIII
Ses écrits auront une grande influence sur les érudits de l’époque, nombreux à fréquenter la cour de Naples.
Préoccupé par les risques que fait courir le volcan aux hommes et à leurs biens, il va conseiller au roi et à la cour de quitter leur palais de Portici menacé par les coulées de lave.
Sources :
- "Les fureurs du Vésuve, ou l’autre passion de Lord Hamilton" - Ed. Découvertes Gallimard , qui reprend l'original de
W.Hamilton.
- Les Feux de la Terre, Histoires de volcans - par M. Krafft / Ed. Découvertes Gallimard
- Oracle - The Campi Phlegraei (written by Lord Hamilton)
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