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Actualité volcanique, Articles de fond sur étude de volcan, tectonique, récits et photos de voyage

Volcans tchèques : le bassin de Cheb.

 

Tant qu’on en est à parler de  volcanisme “occulte” ou peu connu, une autre région européenne revient à l’avant-plan : le bassin de Cheb.

 

Des essaims de petits séismes secouent régulièrement la zone du Vogtland, le Fichtelgebirge et le Palatinat.

Cette région, le massif deBohême, située à la frontière entre la Tchéquie, la Saxe et la Bavière a été le témoin d’éruptions volcaniques il y a 300.000 ans ;

 


z---schemas-004-copie.jpg       "Racines profondes"  du volcanisme intra-plaque situées sous les jeunes champs
                     volcaniques Européens, basé sur la tomographie sismique.
                                extrait de "Volcanism" de H-U Schmincke.

 

Elle en profite encore largement aujourd’hui en exploitant un tourisme basé sur le thermalisme : des villes célèbres, comme Karlovy Vary (Carlsbad), Marianske Lázně (Marienbad), Františkovy Lázně (Franzensbad) et d’autres stations en saxe et dans le Haut-Palatinat, doivent leur existence aux sources chaudes et chargées en dioxyde de carbone.

 

Karlovy Vary prince Vaclav 1 - Bobak Ha'Eri                      Karlovy Vary - source Prince Vaclav I - photo Bobak Ha'Eri


La composition, la température et les effets de l’eau minérale diffèrent selon les endroits de Bohème où elle jaillit. La source minérale la plus chaude de République tchèque est celle de Vřídlo à Karlovy Vary (73,4°C), elle peut monter jusqu’à 14 m de haut, avec un débit de 2 000 l/min. L’eau thermale de Karlovy Vary, dont les composantes les plus anciennes remontent à plus de 25.000 ans, est une des eaux les plus chaudes de République tchèque.


marienbad---Marianske-Lazni---ph.A.Kunzelmann-UFZ.jpg

                              Marianske Lázně (Marienbad) - photo A.Künzelmann / UFZ.

 

Non loin de là, à Mariánské Lázně, ce sont au contraire des eaux ferrugineuses froides qui jaillissent à une température comprise entre 7 et 10°C.

 

La grande diversité des sources minérales naturelles leur permet d’agir sur différentes parties du corps. Elles ont des effets bienfaisants sur l’appareil moteur, le système de circulation sanguine, le système digestif, le système respiratoire, le système nerveux, le système endocrinien et les convalescences suite à des maladies oncologiques.

 

 

La région de Frantiskovy Lazne, en Bohême, présente des zones à mofettes actives, dont une appelée Bublák ("le gouglouteur"). Dans un environnement de buissons, elles ne sont d’abord pas visibles, mais se font déjà entendre : des bulles de gaz éclatent à la surface des mares ou viennent crever les nappes de boue, en faisant des borborygmes. Ce gaz vient des profondeurs, émis par un magma présent 30 km. sous la surface.


 

Bublak-Mofette.gifInteraction entre le magma et le CO2 provoquant sa remontée vers les mofettes et les sources d'eau minérales en Bohême. - doc. UFZ

 

Des mesures effectuées avant et après un petit séisme permettent d’estimer la vitesse de déplacement des gaz. Selon le Dr Gerhard Strauch de l’UFZ (Umweltforschungzentrums Leizig-Halle) : " ce gaz monte en direction de la surface à une vitesse de 400 mètres par jour, tout au moins pour les derniers sept à huit kilomètres … ce qui signifie qu’il doit exister des fissures menant aux grandes profondeurs (..) c’est une chance que des scientifiques s’intéressent à un des composant du gaz, l’hélium,  qui est uniquement trouvé dans le manteau terrestre, sous la barre des 30 km. de profondeur, sous une forme particulière, et qui peut varier  dans sa remontée vers la surface. "

Dans les gaz prélevés au niveau des mofettes, contenant plus de 99% de CO2, les scientifiques du GFZ Postdam (GeoForschungs Zentrums) vont étudier le rapport entre les isotopes de l’hélium.

L’hélium se trouve dans la nature sous forme de deux isotopes stables , différents par leur nombre de neutrons. L’Hélium-3 provient du manteau terrestre ; au contraire de l’hélium-4, plus commun,  formé dans la croûte par désintégration radioactive. Le rapport entre les isotopes peut révéler la profondeur de la provenance du gaz.

Durant les séismes ou les périodes d’activité volcanique, des quantités de gaz plus importantes remontent des couches basses vers la surface. L’analyse de ces gaz sur une longue période va permettre de comprendre les processus se passant dans le croûte et le manteau et d’affiner les prédictions en matière de séismes et d’éruptions… dans le futur.

 

Soos---Frantiskovy-Lazne---ph.A.jpg            Františkovy Lázně (Franzensbad) - mofette - photo A.Künzelmann / UFZ.


Depuis le début des années 1990, ces analyses ont été effectuées dans différentes sources d’eau minérales autour du bassin de Cheb et pendant douze ans. Dans la mofette Bublák, le ratio d’isotopes des gaz prélevés est 6,2 fois plus élevé que dans l’hélium présent dans l’air ; ce qui constitue un record en Europe centrale … de telles valeurs ne sont rencontrées qu’au niveau de volcans actifs, comme l’Etna. A noter que dans la même période, des mesures comparatives effectuées aux mofettes du Laacher See dans l’Eifel-est ne montrent aucun changement significatif.

Ceci confirmerait que quelque chose est en cours dans le sous-sol du bassin de Cheb. Confirmation a été donné en septembre 2000,  où l’analyse isotopique après séisme revèle  "qu'il se pourrait que l’ascension du magma exerce une augmentation de pression au niveau du CO2 dans certaines zone de la croûte terrestre, engendrant de petits séismes à une profondeur comprise entre 6 et 14 km. "

Ce type de mesures va continuer à être répété chaque mois pour contrôler l’activité magmatique sous le basin de Cheb. Elle pourrait constituer une nouvelle approche dans le domaine de la recherche sur les séismes.

Il faudrait mettre sur le même pied la géochimie des isotopes dans le temps et la recherche traditionnelle sur les séismes. Ces deux méthodes peuvent se montrer complémentaires et faire avancer la science dans le domaine. Seul bémol, aucune automatisation n’est possible dans le domaine isotopique, le prélèvement des gaz devant se faire ponctuellement et sans contamination extérieure.

 

Les résultats de cette étude ont été présentés à la 8° conférence internationale sur la géochimie gazeuse à Palerme et publiés dans Geophysical Reseach Letters (vol.32 / 2005)

 

Le bassin de Cheb contient un des plus jeunes volcans du massif tchèque : Komorní hůrka (la Colline des galeries) , aussi appelé Kammerbühl, est une colline discrète à 503 mètres d´altitude située sur le paysage plat du bassin de Cheb. Il fut créé à la fin de l’ère tertiaire et au début du Quaternaire dans la troisième phase finale volcanique du Pléistocène supérieur.

Les amortissements peuvent être datés de l´Holocène, c´est à dire moins que 10 milles ans. Le volcan fut créé sur le fond d´un lac salé, aujourd´hui asséché, qui s´étalait sur le territoire du bassin actuel de Cheb et de Sokolov.

Les premières mentions sur les recherches concernant le volcan datent de 1766 quand le comte Zedtwitz fit creuser une galerie longue de 100 mètres en espérant trouver des veines de houille.

Komorní hůrka est un volcan comblé, créé par une éruption unique de type strombolien pendant laquelle les gaz et la lave furent éjectés du cratère en plusieurs intervalles de temps. Sous l’influence de la circulation de l´air, les couches de scories s´entassèrent surtout à l´est, vers le cratère où se trouve le sommet actuel. À la fin de l´activité volcanique, la lave remplit la cheminée et le cratère, l´épanchement couvrit une partie des scories à l´endroit où se trouve actuellement la bouche de la galerie, sur la pente sud-ouest du volcan.

 

Kammerbuhl---Komorni-Hurka-volcano-2-.jpg

    Volcan Kammerbühl - aquarelle de l'état actuel

   

    et ci-dessous, coupe du volcan tel qu'il devait se            présenter avant son exploitation carrière.

 

 

 

Bassin de Cheb - allem.-Tchéquie

                                                 Doc. Portail de la région de Karlovy Vary.

 

Komorni-Hurka---ph.VL.JPG      Komorní hůrka - Kammerbühl - état actuel boisé de la "colline des galeries" - photo VL.

 

 

Dans le passé, le volcan fut exploité pour ses cendres volcaniques afin de couvrir les allées des parcs de Františkovy Lázně. Un puits de 15 mètres de profondeur fut créé pour l´exploitation; il est souvent pris par les visiteurs pour un cratère volcanique. Le basalte est une néphélinite poreuse, une forme de lave relativement rare en Europe centrale. Une grande quantité de basalte fut exploitée au Moyen Âge pour la construction. Il fut utilisé pour la construction de la Tour noire du château de Cheb. Komorní hůrka fut encore exploitée juste partiellement en 1880 et ne fut pas emboisée à l´époque. Les travaux d´exploitation furent interrompus en 1951 quand elle fut proclamée Réserve naturelle nationale. Aujourd´hui, le volcan est sur la liste des Monuments naturels nationaux et il est strictement interdit d’y exploiter quelque minerai que ce soit.

 

kammerbuhl---Komorni-Hurka-volcano-3-.jpg

                                    Komorní hůrka   -  Entrée de la galerie de prospection 


Le parc tchéco-bavarois contient, sur la partie tchèque, Železná hůrka (la Colline de fer) et Kyselecký Hamr (la Fenderie de Kselka). Du côté allemand, on trouve Sibyllenbad près de la ville de Neualbenreuth. Toute cette vaste région est constituée de minerais du Paléozoïque, de Cheb à Dýleň. Les plus importantes lignes tectoniques sont ici les cassures des monts Métallifères et de Mariánské Lázně qui furent à l’origine de l´activité volcanique dans cette région.


Le monument naturel national de Železná hůrka (la Colline de fer) - Eisenbühl - se trouve à droite devant le poste frontière de Mýtina.


zeleznahurka---Eisenbuhl.jpg                         Železná hůrka (la Colline de fer)- Eisenbühl - photo atlasCeska.

 

Železná hůrka fut actif à la fin du Tertiaire et au Quaternaire, ce qui signifie entre 170 000 et 400 000 ans. Le volcan fut formé par au moins deux éruptions. Au cours de la première éruption, des couches de roches pyroclastiques de 15 mètres d'épaisseur furent constituées et couvertes de tuf angulaire rejeté au cours de la deuxième éruption.

Le volcan fut découvert par Johann Wolfgang Goethe (1749-1832), qui le visita au cours de ses voyages à travers de la région de Cheb, 04.jpgen août 1823. Le célèbre poète avait d’autres cordes à son arc ; il s’intéressait aussi à l’optique, à la géologie et la minéralogie. À la fin du 18e et début du 19e siècle, les géologues étaient plutôt incertains sur la façon dont les roches s’étaient formées. Ils se divisèrent en deux camps, les Neptunistes et les Plutonistes. Les Neptunistes pensaient que les roches avaient été formées par sédimentation dans un milieu aquatique et, par conséquent, que Železná Hůrka avait son origine dans des gisements de houille qui brûlèrent ensuite. Les Plutonistes, par contre, soutenaient la théorie selon laquelle elle était d'origine volcanique. 
Dans le passé, les activités minières dans la région furent intenses et le volcan fut exploité comme source de gravier. Le volcan est protégé par l'État depuis 1961.

 

Goethe, qui a passé dans la région de Bohême un total de 1114 jours, a découvert un minéral endémique, l’Egeran, production des seuls volcans Kammerbühl et Eisenbühl.

 

Egeran--vesuvianite---mineral-cz.jpg

                                  Egeran, ou Vésuvianite - photo Mineral.CZ

 

Sources :

- Turistický portál Karlovarského kraje - Portail touristique de la région de Karlovy vary.

- Unter dem Vogtland brodelt’s - Neue Erklärung für Schwarmbeben gefunden - in ScineXX das wissens magazin - link

- DVG - exkursion der deutschen vulkanologischen gesellschaft ins Westböhmische Bäderdreieck 2003.

- Variation of magma generation and mantle sources during continental rifting observed in Cenozoic lavas from the Eger Rift, Central Europe – by Karsten M. Haase and Axel D. Renno.

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